Mis au placard (littéralement), un technicien hotline obtient la condamnation de Dell pour discrimination syndicale

Débouté par le Conseil des prudhommes et par la Cour d’appel de Montpellier de ses demandes en rappel de salaire et en dommages et intérêt pour discrimination, un technicien hotline de Dell, par ailleurs délégué syndical de la CGT, avait obtenu de la Cour de cassation l’annulation des premiers jugements et le renvoi de son affaire devant la Cour d’appel de Nîmes. Laquelle s’est prononcée le 12 avril 2011.

La chambre sociale de la Cour d’appel na que très partiellement donné suite à ses demandes de reclassement au coefficient revendiqué par le salarié. Cependant, elle a examiné dans le détail les faits qu’il a présentés comme laissant supposer l’existence d’une discrimination. En l’occurrence, à chacune des étapes de son engagement syndical, le technicien recevait un avertissement de son employeur. Exemples :

  • « M. A. était désigné en qualité de représenté syndical CGT au comité d’entreprise par courrier du 9 mai 2001. Dès le 10 mai 2001, il faisait l’objet d’un avertissement “pour avoir bruyamment interpellé [ses] collègues […] à propos d’une divergence de vues avec le manager” »
  • « Le 14 juin 2001, M. A. était élu en qualité de membre du CHSCT […] M. A. était convoqué  à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixée le 15 juin »
  • « Le 5 octobre 2001, M. A. était nommé représentant syndical CGT au sein du comité central d’entreprise. Le 31 octobre, il faisait l’objet d’un avertissement pour utilisation abusive de sa ligne téléphonique, pour avoir engagé une polémique avec une collègue par voie de messagerie électronique et pour avoir harcelé un responsable d’équipe. »
  • Plus récemment, après la suspension et l’annulation, le 17 décembre 2010, par le Tribunal de grande instance de Montpellier de plusieurs décisions prises en matière de rémunération, le délégué syndical, à l’initiative des requêtes, est « fort opportunément » convoqué « à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à son licenciement. »

« La concomitance entre ses sanctions et les mandats syndicaux reconnus au salarié » s’impose comme une évidence, aux yeux du juge, qui a par ailleurs relevé que « la société Dell est dans l’incapacité d’avancer le moindre élément de preuve » pour les fautes qui lui étaient reprochées.

Par ailleurs, la Cour a considéré comme valides certains éléments de comparaison produits par le salarié avec d’autres techniciens placées dans une situation professionnelle comparable, et ayant bénéficié d’augmentations qui ne lui ont pas été accordées.

Enfin, élément fort singulier dans cette affaire, M. A. s’était plaint d’avoir été victime d’une véritable mise au placard, au sens figuré — le nombre d’appels lui ayant été transmis ayant significativement baissé ces dernières années —, mais aussi au sens propre : des placards avaient été installés autour de son poste de travail, ayant pour effet de l’isoler du reste de son équipe. Pour la cour, ces « agissements traduisent une volonté de la part de l’employeur de marginaliser M. A par rapport à l’ensemble des salariés. »

Dell a dès lors été condamnée au verser de 90.000 euros de dommages et intérêts pour discrimination en raison de l’activité syndicale et pour harcèlement moral, ainsi qu’à la régularisation des salaires de la victime.