Laïcité : le HCI souhaite étendre l’obligation de neutralité aux entreprises et associations du secteur social

« Alors que traditionnellement — et à raison — l’employeur n’avait pas à connaître a priori la religion de ses employés, il est aujourd’hui placé face à des revendications religieuses lesquelles, si elles ne sont pas prises en compte, peuvent entraîner une plainte pour discrimination directe ou indirecte. » C’est pour répondre à cette contradiction apparente que le Haut Conseil à l’Intégration vient de publier un avis intitulé « Expression religieuse et laïcité dans l’entreprise. »

Le Haut Conseil à l’Intégration part du constat que « l’exercice de la liberté de conscience — y compris religieuse — au sein de l’entreprise privée est à ce jour très insuffisamment encadré de façon spécifique par des textes de loi et règlements. » Les auteurs de lavis font notamment grief à la directive 2000/43/CE relative à légalité de traitement en matière d’emploi et de travail de placer « la tension Religion/Entreprise sous l’angle de la lutte contre les discriminations. » Et, sans craindre de se voir reprocher d’alimenter une ancienne rivalité, ils tancent la Halde pour avoir « participé de cette évolution qui par certains aspects ne favorise guère l’apaisement entre salariés et entre employeur et salariés. »

Pour autant, le HCI ne propose pas une lecture de la jurisprudence sensiblement différente de celle de la Halde. La Cour de cassation a déjà pu rappeler que l’interdiction générale et absolue de toute forme d’expression religieuse dans le règlement intérieur de l’entreprise est prohibée, des restrictions éventuelles devant être justifiées par « la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. » La jurisprudence admet ainsi que, pour des raisons d’hygiène, de sécurité, de santé, d’organisation du travail, de relation avec le client, de préservation de la liberté de conscience des autres salariés, etc. des limites soient posées à libre expression de ses convictions. Le HCI cite en fait les mêmes jurisprudences que celles que la Halde avait déjà réunies lors de la publication de sa délibération du 31 mars 2011 sur « l’expression de la liberté religieuse au travail. »

Dans ses recommandations, le HCI va cependant plus loin que la Halde. Certes, comme lex-Haute autorité, le HCI demande que « les personnels des établissements privés associatifs ou d’entreprises qui prennent en charge des enfants, sur un mode collectif, dans des crèches ou haltes-garderies ou, pour les enfants en situation de handicap, dans des établissements spécialisés du secteur privé — hors les structures présentant un caractère propre d’inspiration confessionnelle — se doivent d’appliquer les règles de neutralité et d’impartialité. » Une telle évolution législative permettrait en effet d’éviter que des crèches associatives subventionnées ne se retrouvent dans la situation ambiguë de celle de Baby-Loup, dont la directrice est mise en cause par une de  ses ex-salariées licenciée pour, notamment, avoir refusé d’ôter son voile à son poste (l’audience en appel ayant justement eu lieu ce 12 septembre). Le HCI souhaite que cette proposition soit étendue « aux structures privées des secteurs social, médico-social, ou de la petite enfance, chargées dune mission de service public ou d’intérêt général », mais aussi aux « associations d’aide à la personne » et aux « entreprises sociales de service ».