Une société avicole condamnée pour discrimination syndicale

Daniel est engagé en 1980 comme ouvrier dans une entreprise d’accouvage de poussins et de vente d’oeufs à couver (SAS Grelier France Accouveur). De 1981 à 1991, il est ouvrier d’élevage (coefficient 100), progresse régulièrement dans sa carrière et finit par accéder au statut d’ouvrier professionnel qualifié en devenant conducteur d’engins et chauffeur super poids lourds (coefficient 160).

Mais en septembre 1993, son employeur, en difficulté économique, propose de le réaffecter à un poste d’ouvrier agricole (coefficient 135), faute de quoi elle le licencierait. Daniel accepte, sans pour autant renoncer à récupérer ses anciennes fonctions. Le 17 novembre 2000, Daniel fait en effet acte de candidature au poste « conducteur divers » mais il n’obtient pas de réponse, et les demandes de formation qu’il forme sont refusées. De fait, sa carrière n’évoluera plus. Or, en octobre 1995, Daniel a été désigné délégué syndical CFDT.

Estimant être victime dune discrimination dans le déroulement de sa carrière, Daniel alerte l’inspection du travail le 8 août 2007 puis saisit le conseil de prud’hommes dAngers. Le 10 décembre 2009, le Conseil de prudhommes lui donne raison et condamne son employeur. Lequel décide de faire appel.

La Cour d’appel dAngers a rendu son arrêt le 5 avril 2011. Le juge a d’abord examiné les éléments présentés par Daniel laissant présumer l’existence dune discrimination. Retombé à 135 en 1993, ce coefficient nest passé à 140 qu’en 2005, pour s’y maintenir jusqu’en 2008. « Il n’y a donc plus eu dévolution de carrière pendant 15 ans, tandis que monsieur Daniel Y avait obtenu en 1995 un mandat de délégué syndical puis constamment jusqu’en 2009 des mandats de représentation du personnel », remarque la Cour d’appel. Le salarié a également fourni des comparatifs avec 17 autres salariés entrés dans l’entreprise en même temps que lui ou même, pour 14 d’entre eux, bien après. Or, tous ces salariés ont atteint le coefficient 180, alors que « l’employeur ne démontre pas (…) qu’il s’agisse de salariés ayant une situation non identique (…) quant aux tâches et à la qualification. »

Par ailleurs, pour refuser la réaffectation de Daniel à un poste de conducteur, l’employeur a argué devant la Cour dun accident que Daniel aurait subi et qui aurait abouti à la perte dune partie de sa marchandise. « Outre qu’il est incohérent, si les faits étaient avérés, de refuser au salarié une formation sur les règles de conduite et de sécurité lorsqu’on lui reproche un défaut de vigilance sur ce plan », note, non sans ironie, la Cour d’appel, « il est acquis que cet “accident” na donné lieu à aucune sanction pour le salarié, fût-elle un simple avertissement, que les archives de l’entreprise n’en ont aucune trace. » Tout au plus l’employeur a-t-il versé aux débats l’attestation dun salarié retraité et celle du responsable logistique « qui na pas connu monsieur Daniel Y mais aurait recueilli des éléments oraux défavorables pour lui à ce sujet, du responsable de l’équipe nettoyage, et du PDG », relève le juge. Conclusion : « il ne s’agit pas là de données objectives de nature à établir que la discrimination invoquée na pas existé. »

Le premier jugement a donc été confirmé, et l’employeur condamné au versement de 20.000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral, financier, et de carrière, ainsi qu’au réajustement de la classification et de la rémunération de Daniel.