Hôpital et discriminations : une étude de l’Ifri lève un coin du voile

Le Centre Migrations et Citoyennetés de l’Institut français des relations internationales (Ifri) a rendu publique cet été une étude intitulée : « La “diversité” à l’hôpital : identités sociales et discriminations. » Les deux chercheurs se sont appuyés sur une étude de terrain conduite entre mars 2009 et décembre 2010 dans 4 établissements hospitaliers de la Région Ile-de- France (3 établissements publics, dont 2 AP-HP, et 1 établissement privé), à partir d’observations recueillies dans plusieurs services médicaux de ces hôpitaux et à partir de 116 entretiens qualitatifs semi- directifs avec des professionnels (médicaux, paramédicaux et administratifs).

Premier constat : « les professionnels enquêtés conçoivent l’hôpital (public comme privé) comme une institution d’intégration » qui leur offre un emploi, des perspectives de rattrapage de qualifications, une mobilité sociale ascendante, un statut valorisant, une dignité et un prestige sociaux. Mieux, « les soignants expriment leur attachement aux valeurs institutionnelles qui reflètent l’universalisme du soin (citoyenneté, égalité de traitement, neutralité du soignant). » Pour autant, « l’hôpital est une institution fortement hiérarchisée et différenciée (médical vs. paramédical, services plus ou moins prestigieux, etc.) » et « les populations minoritaires sont surreprésentées dans les fonctions les moins qualifiées. »

Deuxième grand constat : les enjeux de l’institution ne correspondent pas aux enjeux du débat public, et si « les membres de l’institution ne sont pas insensibles aux grands débats qui ont lieu dans l’espace public (sur l’intégration, la diversité, la laïcité ou l’islam) », leur politisation ne facilite pas leur règlement au quotidien et pèse sur les négociations nécessaires au fonctionnement du service. Et surtout, cette focalisation a tendance à occulter les phénomènes de discrimination dont témoignent pourtant les répondants, quelles s’effectuent du patient au soignant, du soignant au patient ou entre personnels.

Ainsi, la forme de discrimination la plus souvent citée est celle du patient à l’égard des soignants en raison de leur origine réelle ou supposée. Elle peut prendre la forme dune remise en question de leur compétence ou dun refus de soin. Cette forme de discrimination est le plus souvent banalisée « en les justifiant par l’asymétrie de la relation de soin : le patient est âgé, malade, fragile et il est donc excusé. » À l’inverse, des patients disent ressentir de la discrimination de la part des soignants, lesquels « l’analysent comme le résultat de la situation d’infériorité des patients dans la relation de soin : ignorant les règles de fonctionnement des services de soin, les usagers interprètent les différences perçues dans leur prise en charge comme le résultat d’un racisme à leur encontre quand cela n’est pas nécessairement le cas. » Certains soignants déclarent cependant avoir été témoins de comportements réellement discriminatoires de la part de leurs collègues. Enfin, ont noté les chercheurs, « l’appartenance des professionnels hospitaliers à une institution fondée sur des principes universalistes ne les protège pas des manifestations de racisme et de discrimination raciale entre collègues ou de la part de supérieurs hiérarchiques. »

Dans tous les cas, les conflits sont réglés au sein du service par les membres de l’équipe de soin. D’après les témoignages recueillis, « les situations de racisme ou de discrimination raciale ne sont qu’exceptionnellement portées en dehors du service, vers les membres de la direction des établissements, et encore moins fréquemment vers des instances extérieures aux établissements comme le Défenseur des Droits. »

En conclusion l’étude formule plusieurs recommandations, allant de la formation et de la sensibilisation à la lutte contre les discriminations jusqu’à la mobilisation des diverses parties prenantes (directions RH, Agences régionales de Santé, HAS, etc.) dans la mise sur pied de système d’alerte et d’outils de prévention des discriminations.