La discrimination fondée sur les mœurs est interdite, rappelle la Halde

Le Code pénal et le Code du travail interdisent les discriminations fondées sur les moeurs, mais les éventuelles victimes de telles discriminations ne se font connaître que dans de très rares cas (voir sur Infos-discriminations.fr : Une candidate est écartée d’une embauche au motif de son tabagisme : son avocat dénonce une discrimination). Dans sa dernière livraison de délibérations récemment adoptées, la Halde, aujourd’hui absorbée par le Défenseur des droits, rappelle qu’en matière de logement ou d’emploi, fonder une décision sur le mode de vie (ou les moeurs) dune personne est discriminatoire.

Dans une première affaire, deux personnes ont saisi la Halde après s’être vu refuser la location d’un appartement en colocation. La veille de la date convenue pour la signature dun bail, l’agence immobilière les avait en effet rappelés pour annuler le rendez-vous : l’appartement n’était finalement plus à louer, car il avait été promis par son propriétaire à un membre de sa famille. Mais deux mois plus tard, les candidats constataient que l’appartement qu’ils convoitaient était toujours à louer et une de leurs amies obtint même de le visiter.

Interrogé par la Halde, le responsable de l’agence immobilière s’est expliqué dans un courrier : « Cet ensemble immobilier est occupé par plusieurs personnes âgées et il est également de notre devoir de veiller à leur tranquillité. En effet [un des candidats] nous a informés qu’il était footballeur professionnel. Nous louons très régulièrement des appartements à des joueurs et nous avons constaté que leur vie est plus intense. C’est pourquoi, en toute conscience, nous avons orienté ces candidats locataires vers des appartements tout aussi confortables, mais dans des immeubles beaucoup plus calmes et sereins. » Le directeur de l’agence refusera par la suite de se rendre aux convocations de la Halde, non sans demander aux réclamants de mettre un terme à leur saisine, sous peine de les poursuivre pour dénonciation calomnieuse.

La Halde souligne que « l’agence ne conteste pas avoir refusé en aout 2009 de louer l’appartement souhaité aux réclamants, de même qu’elle ne conteste pas la recevabilité de leur dossier, aucun argument financier n’étant avancé pour justifier ce refus », et que le seul motif avancé par l’agence est celui du mode de vie supposé des candidats. La Halde rappelle à l’agence que l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs dispose qu’« aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement en raison de […], ses mœurs, […] », et qu’en l’absence de démarche d’indemnisation des victimes, elle présenterait ses observations devant le tribunal si les réclamants décidaient de saisir la justice.

La deuxième affaire concerne une salariée licenciée suite à la diffusion par un collègue de travail de photos à caractère pornographique la représentant. Ces images ont été récupérées sur un site « de libertinage amateur », et l’employeur a estimé quelles constituent une exposition à caractère pornographique « incompatible avec l’exercice des fonctions d’assistante de gestion du personnel », et qu’une telle diffusion porte atteinte à l’image et à la réputation de l’entreprise.

Saisie, la Halde rappelle qu « en dehors des lieux et temps de travail, le salarié n’est plus sous la subordination de l’employeur qui n’a plus aucun ordre, ni consigne à lui donner : il est ainsi libre de ses actes et de ses paroles ». Elle ajoute que « le fait qu’un salarié du GIE ait eu accès aux photographies pour les diffuser ensuite via l’intranet de la société représente un mode de preuve et d’accès aux informations sur la vie privée de la réclamante parfaitement déloyal. » Enfin, pour la Halde, l’employeur est dans l’incapacité de démontrer que ces photographies « ont créé un trouble caractérisé justifiant son licenciement et représentant un motif objectif étranger à toute discrimination, en l’espèce ses mœurs, conformément à l’article L.1134-1 du Code du travail. » Quelques jours après avoir demandé des justifications à l’employeur, la Halde apprend de lex-salariée quelle s’est vu proposer une transaction à hauteur 51.121 €, soit 18 mois de salaire, quelle a acceptée.