Des congés « mères de famille » refusés aux hommes, et des congés « d’assiduité » refusés aux grévistes : une société deux fois condamnée pour discrimination

La société Merlin Gerin (groupe Schneider Electric) avait été condamnée par la Cour d’appel de Nîmes pour avoir refusé à des salariés d’une part un congé « des mères de famille » que l’employeur accordait aux seules femmes, d’autre part un congé « d’assiduité » prévu par un accord d’entreprise en raison de leur participation à une grève. Contestant ces deux condamnations, la société s’était alors pourvue en cassation. La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu son arrêt le 4 mai 2011.

Sur le premier congé, Merlin Gerin avait avancé que le congé accordé aux mères de famille, institué par la convention collective de la métallurgie du Gard et de la Lozère, répondait à la volonté des partenaires sociaux de compenser une inégalité dans l’accès à l’emploi que connaissent les jeunes mères en les aidant à concilier vie professionnelle et vie familiale. Cependant, la chambre sociale de la Cour de cassation a estimé fondé les conclusions de la Cour d’appel de Nîmes, selon lesquelles « les jours de congé supplémentaires pour enfant à charge n’étaient pas destinés à compenser un désavantage résultant d’un éloignement du travail lié à la grossesse, ni à protéger la maternité ou à corriger une inégalité de fait affectant les femmes en matière d’emploi ou de promotion professionnelle. » Puisqu’il avait d’abord pour objet « de favoriser la présence dun jeune parent auprès dun enfant mineur de 15 ans », ce congé ne pouvait donc être refusé aux hommes « qui, assurant la garde et l’éducation de leurs enfants dans les conditions prévues par l’accord collectif, se trouvaient dans la même situation que les travailleuses et avaient ainsi vocation à en bénéficier. »

Quant au congé d’assiduité, l’employeur avait expliqué que les jours d’absence pour fait de grève n’étaient pas considérés comme des jours de travail effectif et n’étaient donc pas pris en compte pour le calcul des congés payés. Ce faisant, ils pouvaient donc être également exclus pour l’attribution d’une journée de congé payé supplémentaire prévue par un accord d’entreprise, estimait l’entreprise. Mais pour la Cour de cassation, « si l’employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour accorder un congé supplémentaire rémunéré lié à l’assiduité du salarié, c’est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur l’attribution de cet avantage. » Or, des absences pour hospitalisation d’enfant ou du conjoint ne privaient pas les salariés de ce congé. Dès lors, pour la Cour de cassation, « le refus de l’accorder aux salariés absents au cours d’un trimestre pour fait de grève revêtait un caractère discriminatoire ».