
Dans un monde où les compétences évoluent rapidement, la formation professionnelle et la lutte contre l’illettrisme sont devenues des enjeux majeurs pour notre société. Le cadre légal encadrant ces domaines a connu de nombreuses mutations ces dernières années, reflétant l’importance croissante accordée à ces problématiques. Explorons ensemble les contours juridiques de ces dispositifs essentiels pour l’insertion et l’évolution professionnelle de chacun.
Le cadre légal de la formation professionnelle en France
La formation professionnelle en France est régie par un ensemble de lois et de décrets qui ont considérablement évolué au fil des années. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a marqué un tournant majeur dans ce domaine. Cette réforme a notamment introduit le Compte Personnel de Formation (CPF) monétisé, permettant à chaque actif de bénéficier d’un crédit en euros pour financer ses formations.
Le Code du travail définit les obligations des employeurs en matière de formation professionnelle. L’article L6321-1 stipule que « L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. » Cette disposition souligne la responsabilité des entreprises dans le développement des compétences de leurs salariés.
La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a instauré l’obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés d’organiser tous les deux ans un entretien professionnel avec chaque salarié. Cet entretien vise à examiner les perspectives d’évolution professionnelle du salarié et les formations qui peuvent y contribuer.
La lutte contre l’illettrisme : un cadre juridique spécifique
La lutte contre l’illettrisme bénéficie d’un cadre légal distinct mais complémentaire à celui de la formation professionnelle. La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013 a inscrit la prévention de l’illettrisme comme une priorité nationale.
L’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme (ANLCI), créée en 2000, joue un rôle central dans la coordination des actions en faveur de la maîtrise des compétences de base. Bien que n’ayant pas de pouvoir réglementaire, l’ANLCI définit des orientations stratégiques qui influencent les politiques publiques en la matière.
Le Code de l’éducation, dans son article L121-2, précise que « La lutte contre l’illettrisme et l’innumérisme constitue une priorité nationale. Cette priorité est prise en compte par le service public de l’éducation ainsi que par les personnes publiques et privées qui assurent une mission de formation ou d’action sociale. »
L’articulation entre formation professionnelle et lutte contre l’illettrisme
Le cadre légal prévoit des passerelles entre la formation professionnelle et la lutte contre l’illettrisme. La loi du 5 septembre 2018 a élargi le champ d’action du CPF aux actions de lutte contre l’illettrisme, permettant ainsi aux personnes concernées de financer des formations visant à acquérir les compétences de base.
Le décret n° 2015-172 du 13 février 2015 relatif au socle de connaissances et de compétences professionnelles a défini un ensemble de compétences qu’il est utile pour un individu de maîtriser afin de favoriser son employabilité et son accès à la formation professionnelle. Ce socle, connu sous le nom de CléA, inclut la communication en français, élément essentiel de la lutte contre l’illettrisme.
Les Opérateurs de Compétences (OPCO), créés par la loi de 2018, ont pour mission de financer l’apprentissage, d’aider les branches à construire les certifications professionnelles et d’accompagner les PME pour définir leurs besoins en formation. Ils jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre de formations adaptées aux personnes en situation d’illettrisme.
Les obligations des employeurs en matière de formation et de lutte contre l’illettrisme
Les employeurs ont des obligations légales en matière de formation professionnelle et de lutte contre l’illettrisme. L’article L6321-1 du Code du travail impose à l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi.
Dans le cadre de la lutte contre l’illettrisme, les employeurs peuvent être tenus responsables s’ils n’ont pas pris les mesures nécessaires pour permettre à leurs salariés d’acquérir les compétences de base nécessaires à l’exercice de leur fonction. La jurisprudence a notamment reconnu que le licenciement d’un salarié pour insuffisance professionnelle liée à des difficultés de lecture et d’écriture pouvait être considéré comme abusif si l’employeur n’avait pas proposé de formation adaptée.
La loi Avenir professionnel de 2018 a renforcé les obligations des entreprises en matière de formation, notamment en instaurant une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance. Cette contribution, dont le taux varie selon la taille de l’entreprise, finance notamment des actions de lutte contre l’illettrisme.
Les dispositifs spécifiques de formation pour les personnes en situation d’illettrisme
Le cadre légal prévoit des dispositifs spécifiques pour les personnes en situation d’illettrisme. Le Contrat de Professionnalisation, régi par les articles L6325-1 et suivants du Code du travail, peut être utilisé pour des actions de lutte contre l’illettrisme et d’apprentissage de la langue française.
La Préparation Opérationnelle à l’Emploi (POE), définie à l’article L6326-1 du Code du travail, permet de bénéficier d’une formation nécessaire à l’acquisition des compétences requises pour occuper un emploi correspondant à une offre déposée par une entreprise. Ce dispositif peut inclure des actions de remise à niveau sur les savoirs de base.
Le Plan de Développement des Compétences, qui remplace depuis 2019 le plan de formation, peut intégrer des actions de lutte contre l’illettrisme. L’employeur a la possibilité d’y inclure des formations visant à l’acquisition des compétences de base, y compris pendant le temps de travail.
Les sanctions en cas de non-respect du cadre légal
Le non-respect du cadre légal en matière de formation professionnelle et de lutte contre l’illettrisme peut entraîner des sanctions pour les employeurs. L’article L6323-13 du Code du travail prévoit une pénalité financière pour les entreprises de 50 salariés et plus qui n’auraient pas respecté leurs obligations en matière d’entretien professionnel et d’évolution professionnelle des salariés.
En cas de contrôle par l’inspection du travail, les entreprises doivent être en mesure de justifier des actions de formation mises en place, y compris celles visant à lutter contre l’illettrisme. Le défaut de justification peut entraîner des sanctions administratives et financières.
La Cour de cassation a par ailleurs reconnu que le manquement de l’employeur à son obligation de formation pouvait ouvrir droit à des dommages et intérêts pour le salarié. Dans un arrêt du 5 juin 2013 (n° 11-21.255), la Cour a considéré que « l’employeur, tenu d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, doit leur proposer des formations en rapport avec leurs attributions et leurs perspectives d’évolution professionnelle dans l’entreprise ».
Les perspectives d’évolution du cadre légal
Le cadre légal de la formation professionnelle et de la lutte contre l’illettrisme est en constante évolution. Les discussions actuelles au niveau législatif portent sur plusieurs axes :
1. Le renforcement de l’accompagnement des personnes en situation d’illettrisme, avec la possible création d’un « parcours de remédiation » spécifique.
2. L’intégration plus poussée des compétences numériques dans les dispositifs de lutte contre l’illettrisme, pour répondre aux enjeux de l’illectronisme.
3. La simplification des démarches administratives pour l’accès aux formations, notamment pour les publics les plus fragiles.
4. Le renforcement des obligations des entreprises en matière de formation aux compétences de base, avec la possibilité d’instaurer des quotas de formation pour les salariés les moins qualifiés.
Ces évolutions potentielles du cadre légal visent à répondre aux défis posés par la transformation rapide du monde du travail et la nécessité d’une montée en compétences continue de la population active.
Le cadre légal de la formation professionnelle et de la lutte contre l’illettrisme en France est complexe et en constante évolution. Il reflète l’importance accordée par les pouvoirs publics à ces enjeux cruciaux pour l’insertion professionnelle et la cohésion sociale. Les employeurs, les organismes de formation et les salariés doivent rester vigilants quant à leurs droits et obligations dans ce domaine. L’adaptation continue de ce cadre juridique sera nécessaire pour répondre aux défis futurs du monde du travail et garantir l’accès de tous aux compétences essentielles.